Prêcher le faux pour savoir le vrai : peut-on encore se permettre une politique RSE cosmétique ?
Le client n’est pas dupe : il comprend quand une politique RSE est opportuniste, sans fond véritable. Pire : cela peut porter atteinte à votre marque employeur. Un vernis de vertu mal appliqué peut laisser des traces profondes…

Les 7 piliers d’une politique RSE
Tout d’abord, il est important de rappeler quels sont les piliers d’une politique RSE. Certes, l’environnement en fait partie, mais il ne doit pas invisibiliser les autres. Et nous remarquons souvent qu’il est le seul domaine à être un minimum approfondi par les entreprises (pour surfer sur l’air du temps sûrement). Voici donc les 7 merveilles d’une entreprise qui se veut responsable :
- Gouvernance de l’organisation
- Droits de l’homme
- Relations et conditions de travail
- Environnement
- Loyauté des pratiques
- Questions relatives aux consommateurs
- Communautés et développement local
C’est assez beau sur le papier, mais cela peut aussi très vite devenir superficiel. Outre-manche, des labels comme le label B Corp imposent un cadre qui limite les abus et rassure le consommateur. Au contraire, en France la politique RSE est souvent synonyme de simulacre.
RSE et écologie : sincérité ou poudre aux yeux ?
Les sociétés à mission creusent souvent (un peu) leur rapport à l’écologie. Bilan carbone, astuces « gain d’énergie », chartes vertes… L’intention est souvent louable.
Mais il suffit de peu pour que tout bascule du côté du greenwashing.
L’IA : outil de modernité ou contradiction éthique ?
Une entreprise qui se veut actrice de la transition écologique tout en promouvant massivement l’utilisation de l’IA soulève des questions. L’IA a une empreinte carbone non négligeable. Si, en plus, elle est mise entre les mains d’alternants pour produire du contenu visuel plutôt que de confier la mission à des professionnels, que dit-on de ses engagements sociaux ? D’une part, on attend que l’alternant produise du contenu rapidement, privilégie la qualité à la quantité, au risque que son parcours soit moins formateur ; d’autre part, on nie l’empreinte carbone des IA. Enfin, on évince les prestataires et freelance avec lesquels on collaborait autrefois.
Chez Scaelio, nous ne sommes pas refractaires à l’IA et acceptons son apport, mais nous souhaiterions que ce nouvel outil soit utilisé avec prudence, nous ne voulons pas oublier ce qu’il nous coûte.
Inclusion : quand la posture détruit la confiance
Un autre terrain glissant : l’inclusion. Mentionner le mot « handicap » dans une offre d’emploi ne suffit pas. Encore faut-il que l’expérience soit réelle et ne confine pas à la posture. Si vous vous contentez de copier-coller la mention « l’entreprise s’engage en faveur de l’accueil et de l’intégration des personnes en situation de handicap » mais que la fiche de poste ne laisse pas transparaître cette volonté, l’ensemble paraît peu crédible. On parle alors de handiwashing : le fait d’instrumentaliser l’image du handicap sans changer l’organisation. Ce type de position implique une réflexion en amont et une restructuration RH de l’entreprise. D’autres exemples nuisent à votre communication :
- Un baby-foot dans la salle de pause ne vaut pas une politique de bien-être au travail.
- Un jour de télétravail « après 6 mois d’ancienneté » ne révèle pas une politique inclusive.
- Une charte sans formation, c’est du texte sans portée.
Reprenons l’exemple du télétravail : voilà qui en dit long sur la confiance accordée. Le bénéfice est brandi comme une faveur, c’est ô combien infantilisant. Or, c’est bien votre flexibilité qui donnera envie à un public divers (et notamment en situation de handicap) de candidater à vos offres. Cela conviendra aussi mieux à un public féminin (avouons-le, l’équité n’est pas encore totale en termes de parentalité et ce sont souvent les femmes qui font les allers-retours entre la crèche et leur lieu de travail).
La sémiologie du recrutement
La manière de rédiger une offre d’emploi, d’y répondre, de remercier ou d’oublier un candidat : tout cela dit quelque chose. Comme le rappelle Roland Barthes, tout fait sens. La typographie, les codes couleurs, la grammaire de l’image… Tous les signes agissent sur l’inconscient. Et en matière de RSE, ce sens doit être aligné avec le fond.
Pour preuve : les réglementations européennes qui encadrent les allégations environnementales incitent les entreprises à soigner leur forme. Mais à force de perfectionner l’apparence, on en oublie la vérité.
Quand les actes contredisent le discours
Je peux vous partager une anedote qui n’a malheureusement rien d’exceptionnel… Un malvoyant est embauché dans un grand groupe bancaire, il affichait dans son CV un brillant cursus. Un beau choix d’inclusion, me direz-vous (même si ce type de recrutement devrait paraître ordinaire et ne devrait pas supposer de récompense morale). Cependant, il a été mis au placard et mené au bore-out. Il a été placé dans un petit bureau à l’écart des autres, sans aucune mission véritable à remplir. L’essentiel de ses journées était tissé d’ennui, il avait la douloureuse impression d’être oublié, voire ostracisé. De ne servir à rien. Et in fine, de n’avoir été choisi que pour remplir un quota. C’était dramatique, en termes de santé mentale pour lui… Que croyez-vous que fera cet employé ? Après avoir enfin trouvé un autre contrat, après s’être reconstruit psychologiquement, il gardera un souvenir amer de cette expérience et se fera lanceur d’alerte. Il clamera haut et fort à son entourage, à ses futurs collaborateurs, que l’entreprise en question était amorale. Et plus cette dernière communiquera bruyamment sur ses nouvelles valeurs éthiques, plus il prendra — à juste titre — la parole pour rétablir la vérité.
La parole des personnes en situation de handicap n’a-t-elle vraiment aucun crédit aux yeux de certains groupes, pour qu’on pense que cela n’aura aucun impact sur la marque employeur ?
Une hypocrisie organisationnelle dénoncée
Un article d’ADP France publié en mars 2021 souligne que :
- 82 % des salariés voient les valeurs d’entreprise comme de la communication symbolique ;
- 79 % estiment que le management n’est pas aligné ;
- 73 % parlent d’hypocrisie pure et simple.
« Décrochage entre les valeurs affichées par les entreprises et celles effectivement déployées et intégrées en interne. »
Thierry Wellhoff, Wellcom
« Réduites à de simples leviers de légitimation et de valorisation auprès de l’extérieur, devenues porte-étendard d’une réalité fantasmée, la définition de valeurs communes auxquelles adhérer échoue dans la volonté initiale de réenchantement des organisations. Rien de plus attendu car c’est notamment en réduisant l’écart hypocrite entre profession de foi, comportements et actions que les entreprises arriveront à fédérer. »
En conclusion : faire simple, faire vrai
Oui, la RSE est un levier de communication puissant. Mais c’est aussi un miroir qui ne pardonne pas les contradictions trop visibles.
Mieux vaut une politique sobre mais honnête qu’une stratégie bavarde et vide. Mieux vaut un engagement imparfait mais sincère qu’une posture marketing. La communication arrive malheuresement en bout de chaîne décisionnelle, c’est-à-dire que nous ne pouvons réparer ni les erreurs de positionnement RSE, ni les errances marketing. Le semiologue vous met en garde : chaque détail compte, chaque signe porte sens.
