Intégrer un alternant en entreprise suppose les mêmes critères que l’onboarding d’un salarié, mais mérite davantage de pédagogies. Soyons bien conscients de notre responsabilité : nous sommes le premier médiateur entre un secteur d’activité et un futur professionnel. Nous pouvons l’encourager ou au contraire détruire sa confiance en lui et sa motivation.
“21 % des contrats d’apprentissage commencés en 2022 sont rompus au cours de leurs neuf premiers mois d’exécution.” Source : DARES
Mes erreurs en entreprise
Parce que j’ai été enseignante en lycée et BTS, j’ai cru que la mission de tutrice en entreprise me serait aisée, que ce serait un exercice parfaitement intuitif. Pourtant, j’ai moi aussi commis un certain nombre d’erreurs et si c’était à refaire, je serais plus précautionneuse ; je ne partirais plus « la fleur au fusil ». On se bonifie avec le temps, au fil de l’expérience, et il est évident que l’on peut réajuster le tir au fur et à mesure. En revanche, je crois que toute compétence peut s’apprendre et que l’exercice du tutorat ne va pas de soi. Alors que je me sentais très concernée par les risques psychosociaux, j’ai compris qu’il ne suffisait pas de prêcher la bonne parole pour s’habiller de vertus et qu’il fallait user de méthodes et d’outils spécifiques pour faire régner la sérénité dans ses services.
Bref, alors que j’étais Responsable de la communication dans une start-up rémoise, j’ai fait les erreurs suivantes :
- des feedbacks trop tardifs et surtout pas assez fréquents en début de collaboration
- une liste de missions hétérogènes remises à mon alternante, missions qui pouvaient être perçues comme un poids et dont les degrés de priorité n’étaient pas toujours clairs,
- Pas ou peu d’utilisation de fiches outils pour commencer,
- Pas de livret d’onboarding employé. Ce n’était pas ma faute puisque l’entreprise avait eu l’originalité de la recruter avant de me recruter. Je n’avais pas non plus bénéficié d’un onboarding dans les règles de l’art, donc je découvrais l’entreprise en même temps qu’elle… ainsi que les objectifs de mon manager.
Un livret d’onboarding
On dit souvent que la génération Z aime l’informel, aime troubler les limites entre espace pro et espace personnel. On imagine qu’elle trouve les éléments structurels « barbants » parce qu’elle est en quête de liberté. Ce n’est absolument pas ce que j’ai expérimenté quand j’étais enseignante. S’ils aiment les interactions d’égal à égal et conçoivent l’organigramme de manière fonctionnelle plus que pyramidale, s’ils trouvent certains codes sociaux désuets… ils ne sont pas moins demandeurs d’un cadre. Lors de l’atelier Gen Z organisé par la Jelly Week, Mickaël Fagniere expliquait que les objectifs SMART ou SPORT sont l’apanage de la génération X. Je ne suis pas vraiment d’accord avec ce constat, je crois en effet que les jeunes gens ne seront pas réceptifs si on passe une heure à leur présenter ces objectifs et ne liront pas une brochure qui les détaille en long en large et en travers, mais je crois qu’ils sont très attachés à la méthode qu’on peut leur transmettre.
Les membres de la Génération Z sont habitués à une communication rapide et continue. Ils attendent de leurs managers un retour régulier et une reconnaissance immédiate sur leur travail, sous forme de feedback constructif. Mettre en place des points hebdomadaires, des sessions de coaching, des échanges fréquents et informels ou des outils de reconnaissance instantanée comme les applications de Feedback peuvent renforcer leur motivation et leur engagement. Source : CCI

J’ai été très surprise durant mes années d’enseignement de voir que les étudiants appréciaient les cours les mieux structurés possibles, qu’ils souhaitaient connaître précisément les titres de chapitres et de sous-parties, qu’ils souhaitaient pouvoir se repérer dans la progression annuelle, qu’ils voulaient savoir ce qu’il est bon de noter et ce qui est de l’ordre du superflu, bref être accompagné et pas lâchés seuls dans la nature. Les plus jeunes voulaient que je les aide à trier leurs dossiers numériques, souhaitaient pouvoir recopier le tableau… mot à mot. Ce ne sont que des exemples mais c’est pourquoi je crois que le livret d’onboarding est indispensable, y compris pour les jeunes générations. Je pense qu’il faut y glisser en priorité certaines informations :
- une brève histoire de l’entreprise
- une présentation des personnes-ressources et comment les contacter
- les valeurs de l’entreprise
- les services ou produits vendus par l’entreprise
- les détails logistiques (badges, salle de repas, accès informatiques, procédures de sécurité informatique)
L’avantage d’un tel livret, c’est que l’alternant peut s’y référer a posteriori. Lors de son arrivée, il est exposé à un grand nombre d’informations, à du stress et de la fatigue, il ne pourra pas mémoriser tout ce qu’on lui a partagé et cela le rassurera, il pourra retrouver les éléments clés dans son guide d’onboarding. C’est d’ailleurs ce que conseille Christine Benoit dans son ouvrage La Boîte à outils du tuteur formateur et intégrateur.
Enfin, la personne intégrée à l’équipe peut être considérée comme un véritable ambassadeur de la société. Le week-end avec des amis ou sa famille, il expliquera son lieu de travail et ses missions. S’il n’appartient pas au service communication, il peinera sûrement à rendre intelligible l’activité de son entreprise, d’autant qu’il l’aura probablement lui-même mal comprise ; c’est bien normal, car on ne lui aura pas donné une vue d’ensemble de l’entreprise mais un focus sur son service.
Faire connaissance avec l’alternant
Il me paraît important de faire connaissance avec l’alternant, pour cerner sa personnalité et son profil cognitif. Quels seront les obstacles à l’apprentissage ? Quel cadre d’apprentissage lui convient le mieux ? Se sent-il extraverti ou introverti ? Aime-t-il échanger par appel téléphonique ? En visioconférence ? Préfère-t-il les échanges asynchrones ? Quels compromis trouver pour des échanges harmonieux ? Quel est son rapport au monde du travail ? A-t-il été mouvementé ? A-t-il des traumatismes qui y sont liés, d’anciens managers ou professeurs ont-ils mis à mal sa confiance en lui ? Enfin, quels sont ses objectifs personnels, dans quelle fonction se projette-t-il ?

Pour briser la glace, on lui propose un café et des viennoiseries, on lui remet alors des petits questionnaires qui permettent de le cerner. On lira tout ça plus tard à tête reposée et lors d’un rapide feedback, on pourra échanger avec pour base ses réponses. Vous pouvez vous appuyer sur Le Big Five Inventory, c’est un questionnaire court et reconnu scientifiquement, qui permet d’évaluer la personnalité selon cinq grands traits universels (ouverture, conscienciosité, extraversion, agréabilité et stabilité émotionnelle). Facile à faire passer, il aide à mieux comprendre le profil d’un alternant ou d’un stagiaire pour adapter l’accompagnement et la communication. Ce modèle est largement validé par la recherche internationale, ce qui en garantit la fiabilité et la solidité psychométrique. Les résultats offrent une description nuancée, utile pour anticiper les besoins et valoriser les points forts de chacun.

